- Comme nous le somme ! répéta Mr.Rochester, comme cela, ajouta-t-il, m'entourant de ses bras, m'attirant sur son coeur, pressant ses lèvres sur mes lèvres, comme cela Jane !
Oh cette tendresse, cette douceur, cette passion. Digne du plus grand homme jamais imaginé. Rochester. Il les surpasse tous. Tout mes maris, tout mes nombreux prétendants, aucun de ces hommes ne lui arrivent à l'ombre du plus petit de ses orteils. Qu'il laisse tomber cette sotte de Jane Eyre. Ne voit-il pas que je suis à ses pieds? Je me prosterne devant son charme, devant son savoir vivre et sa classe indéniables. Pourquoi un homme pareil n'existe-t-il que dans les livres et dans mes rêves les plus fous. (
le contenu de ces rêves ne regarde bien entendu que ma douce et si admirable personne alors bas les pattes)
Un tintement métallique attire mon attention. (
je devrais plutôt dire "me tire horriblement et brusquement de mes rêveries") Je lève les yeux à contrecœur. Autour de moi, les gens commencent à se lever de leur table. La mienne, libre depuis le départ, est un peu à l'écart, tout près des grandes fenêtres, pour avoir le plus de lumière possible. (
voyez-vous, avec mon voile, j'ai besoin de tout ce que peux aller chercher de luminosité, sinon, adieu mes jolis yeux couleur d'ambre) Je regarde l'heure sur l'horloge. Midi et le quart. Et ils s'en vont déjà? Je ne m'en plains pas le moins du monde, toutefois, je trouve étrange cet empressement à regagner leur cellule. Moi je resterai ici tant que je n'aurai pas mangé, ni dédaigné mon livre. Parlant de manger, il faudrait que j'y pense si je ne veux pas mourir d'inanition. Tant pis. Mon estomac attendra que mon esprit et mon corps se soient rassasiés de cet amour de Rochester.
Je replonge le nez dans mon livre, le tenant délicatement devant moi, du bout des doigts, comme si je craignais qu'un contact trop fort ne le détruise, ou ne le fasse s'évanouir dans la nature, comme si cette lecture n'avait été qu'un rêve trop doux. Après quelques minutes, je sens la table vibrer, comme si quelqu'un venait de s'y installer. Je ne lève pas les yeux. Je refuse de quitter encore une fois ce livre des yeux. Du moins, pas avant la fin de la page. Je me mords la lèvre du bout des dents pour savourer ces lignes intenses. La page s'achève. Résisterai-je à la tentation de commencer la prochaine? Je tourne la feuille. Oh… Une fin de chapitre. Tant pis. Je m'arrêterai ici.
Je daigne enfin lever les yeux et regarder qui se tient devant moi. Un jeune homme à l'allure soignée, un sourire léger sur les lèvres a les coudes appuyés devant lui, les mains sous son menton. Il m'observe comme je l'observe maintenant, sauf que moi, il ne le voit sans doute pas, mon visage étant assez bien caché pour qu'il ne remarque pas l'orientation de mes yeux. Je reste immobile un moment, puis pose mon roman à côté de moi, à regret. Heureusement que je suis polie sinon j'aurais continué à le lui lire au nez. Devant lui est posé un plateau rempli de ce qu'ils osent appeler de la nourriture. (
vraiment, ils pourraient faire un effort et nous nourrir convenablement, nous sommes des prisonniers, pas des chiens, sauf pour certains) Je lui souris. Même s'il ne le voit pas, il l'entendra dans ma voix.
-Bonjour, je dis poliment.
-Bonjour, il me répond simplement, souriant lui aussi.
Un léger silence s'installe. Rien de malsain ou de désagréable, simplement un petit moment de calme alors que lui et moi devons nous interroger sur le meilleur moyen de commencer cette conversation. Je l'observe à la dérobée. Je crois l'avoir déjà vu. C'est un prisonnier en tout cas, aucun doute puisqu'il se contente de cette… bouillie qui ne ressemble pas vraiment à de la bouillie. (
ici je m'abstiendrai de décrire cette mixture, elle est déjà désagréable à regarder, vous pouvez fort bien imaginer par vous-même)
-Vous lisez Jane Eyre? me demande-t-il.
Un connaisseur? Ou l'a-t-il simplement lu sur la couverture? Je l'observe attentivement en murmurant un oui passionné. (
il suffit de parler de ce livre pour que je devienne toute chose) C'est là que ça me revient. Je l'ai vu à la bibliothèque l'autre jour. Il était juste devant moi quand je suis passée pour enregistrer ce livre justement. S'il traine dans les livres, il doit s'y connaître effectivement.
-Vous l'avez lu? je demande à mon tour.