Conflit d'intérêt [Jefferson]

Quand vous êtes avec les gens qui comptent pour vous, vous ne sentez pas la peur vous étreindre. Vous ne sentez que ce calme indifférent à tout ce qui ne fait pas partie de votre bonheur présent. Vous vivez ce que vous avez envie de vivre. Ce n'est pas mon cas, car personne ne se trouve ici avec moi, car je n'ai pas connu d'autre moment de bonheur durant ces dernières années que cette rencontre avec Carl Hyde dans la cour. C'est là que j'ai compris ce à quoi je viens de penser. Pendant que j'étais avec lui, je n'avais peur de rien. Il me semble que le ciel aurait pu choir sur ma tête et que j'aurais continué à apprécier le moment passé là. Mais en ce moment je suis seule, seule et effrayée dans ces couloirs sombres. Je déteste le sous-sol de la prison. Il est sombre – plus sombre que les cellules – et humide – plus encore que ces mêmes cellules. Quelle idée de m'envoyer ici chercher des munitions pour le staff. J'ai l'air d'une militaire d'abord ? J'ai l'air du genre de femme à se balader avec des boîtes de balles et des batteries de teaser dans les bras ? Non ! Je déteste les armes, je déteste tout ce genre de choses.

-Donne-les moi ! clame une voix dans mon dos.

Mais … Mais qu'est-ce qu'il fait ici celui-là ? Il m'a suivi c'est cela ? Il m'a suivi quand je suis passée devant sa cellule sans doute. Pas moyen qu'il me laisse tranquille même quand je travaille. Remarquez, je ne considère pas vraiment que la course aux armements fasse partie de mon contrat d'employée. Maintenant que j'y repense, ce ne doit pas être cela. Sa cellule était bien vide quand je suis passée devant, et cette sensation de terreur n'a commencée à se faire sentir que lorsque je suis passée devant les chambres d…

-Jefferson… je dis sans me retourner, les doigts crispés sur les clés de l'armurerie, la clé elle-même à deux centimètres de la serrure. Que faisais-tu en chambre d'isolement ? Tu t'es toujours tenu tranquille il me semble.

Je ne veux pas lui faire face, car je sais qu'en le voyant je vais trembler bien plus que je ne tremble déjà.

-Ce n'est pas non plus ton habitude de flirter avec le premier venu, crache-t-il avec mépris.

De quoi est-ce qu'il parle ? Quel est donc le lien entre son séjour en salle d'isolement et mes fréquentations pour le moins … inexistantes.

-Je t'ai vue avec un homme Maybeth ! Et n'essaie pas de me faire croire que c'était lui qui te faisait de l'œil ; tu te cramponnais à son poignet comme une petite fille à la robe de sa poupée !

Je mets un moment à réaliser qu'il parle de Carl. Flirter ? Voyons mais il est devenu fou ! Je n'ai jamais flirté avec qui que ce soit, cette notion m'est même pratiquement inconnue, enfin… je sais ce qu'est le flirt, je ne l'ai simplement jamais mis en pratique, et… Oh mon Dieu !

-Tu t'es battu avec lui ?! je couine en me retournant brusquement, ignorant les tremblements qui m'assaillent et les larmes qui montent d'elles-mêmes dans mes yeux bleus. Comment est-ce que tu …

Non. Il ne s'est pas battu avec Carl, ce n'est pas pour ça qu'il était en salle d'isolement. Je le sais car je viens tout juste de voir Carl passer dans le couloir des prisonniers, le visage intact. Enfin, c'est même assez rare de le voir sans balafre nouvelle, mais là il était intact. Il secoue la tête, et je vois qu'il a l'air déçu.

-Non. Quand je vous ai vus, il y avait trois gardiens à proximité qui auraient pu m'attraper avant que je n'aie pu parvenir jusqu'à vous. Alors j'ai tourné les talons. C'est sur un des hommes de ma cellule que je me suis passé les nerfs.

Je fais rapidement le compte dans ma tête. Ça lui faisait donc trois jours en salle d'isolement, trois jours à être privé du contact humain, trois jours à être privé de lumière… et trois jours supplémentaires privé de… je glapis, range les clés dans ma poche et évalue la distance entre lui et moi, moi et la porte, lui et la porte.

-Donne-moi les clés Maybe, redemande-t-il avec un sourire mauvais en marchant vers la porte, qu'il referme. Car c'est moi qui déciderai quand toi et moi sortirons d'ici.

Heureusement pour mes nerfs, la pièce est munie d'une ampoule au plafond, m'empêchant de devoir, en plus, affronter une noirceur totale. Ne reste qu'à éviter que Jefferson soit pris de l'envie de fermer la lumière sur nous.

-Je garde la clé sur moi, si ça ne t'ennuie pas, je dis avec le plus de calme que je suis capable de rassembler.

Visiblement, sa seule envie c'est de me garder coincée ici avec lui. Il ne manquerait plus qu'une fois les clés en main il ait envie d'ouvrir l'armurerie et de s'emparer d'une arme.