Vous ne comprenez pas monsieur ! Il y a méprise, je le sais. Si seulement j'avais pu me défendre à mon procès. Non. Tout ce que j'ai fait, c'est rester silencieux, à attendre que la sentence vienne. Que pouvais-je faire ? Mon client ne parle pas votre honneur. Le juge a ricané, dit que je ne disais rien seulement parce que je n'en avais pas envie et que juste pour cet affront à son nom, je méritais la prison à vie. Mes yeux étaient embués de larmes. Un enfant. Je ne suis qu'un enfant, même si aux yeux de la loi je viens d'atteindre la majorité. Enfant de la rue. Et alors ? On m'a jeté dans ce monde-là. Les gens avec de l'argent n'ont pas voulu de moi alors que j'avais simplement besoin de quelqu'un à mes côtés. Jesse est venu. Lui il m'a aidé, et aujourd'hui il le paie de sa vie, et moi de ma liberté. Mais je ne regrette pas. Si je ne l'avais pas connu, je serais sur une chaise à l'école en train de me faire juger par tout le monde. Mais maintenant je me trouve derrière cette grille, debout, ne sachant que faire, ne pouvant demander mon chemin à qui que ce soit. On n'a pas voulu me laisser mon crayon, arme potentielle qu'ils ont dit, nous verrons une fois entrés. Mais voilà, je n'entre pas. Ils m'ont laissé mon cahier, mais à quoi me sert-il sans crayon.
Je pourrais aller voir cet homme rondouillard qui se tient derrière une vitre, prêt à ouvrir la porte à quiconque le demandera. Seulement voilà, comment le demander. Je n'ai que le oui et le non à ma portée. Je laisse tomber mon paquet de feuilles blanches dans la boue, certaines s'envolent avant d'avoir touché le sol. Je pleure, mais ça ne se remarque pas à cause de la pluie battante. On me crie d'entrer, je ne me retourne pas et continue à fixer l'horizon derrière le fer de la grille. De l'autre côté. Liberté envolée, comme ces feuilles de papier. J'entends vaguement quelqu'un appeler en arrière. Pas pour moi cette fois.
-Envoyez quelqu'un le chercher ! Le p'tit va geler sur place.
C'est vrai, j'ai froid, mais je ne m'en formalise pas. Le pluie me trempe les os et le vent me les gèle. Et alors ? Pourquoi je ne mourrais pas ici plutôt qu'à l'intérieur ? Je ne survivrai pas à cet endroit, pas sans un Jesse à mes côtés pour me soutenir et me protéger. J'entends des pas derrière moi, j'appuie le front contre la grille, stoppant net le flot de larmes de mes yeux. J'enlève mes lunettes et les glisse dans ma poche avec négligence. Je n'ai pas envie de voir à qui j'ai à faire. Je n'ai envie de rien sinon d'avoir un crayon dans les mains, et une surface plane pour y écrire mon nom, la seule chose qui me reste.