-Où c'est qu'tu m'entraînes encore mon toutou ? je dis, suivant Dusty, qui colle son museau au sol depuis tout à l'heure.
Je ne suis jamais descendue dans les sous-sols. Pas encore. Disons que je n'en ai tout simplement pas éprouvé le besoin. Je suis une fille d'extérieur. Déjà, d'être dans une cour avec clôture me fait flipper, d'être dans cette prison me fait délirer : imagine si en plus je devais être en dessous du niveau de la terre. Je marmonne entre mes dents que ça a intérêt à être important. Le berger allemand – encore jeune et fou – remue la queue mais ne s'arrête pas dans son jeu de chasse. Si ça se trouve, il a flairé un rat et c'est tout. N'empêche que celui-là, je préfère l'avoir à l'œil : il est du genre à se ficher tout seul dans de sacrés pétrins, avec tout ce qui bouge et ne bouge pas. Il est trop curieux de nature. Moi aussi, je l'avoue. Et en ce moment, il a piqué ma curiosité.
L'animal s'arrête devant une lourde porte, close. Il tourne sa grosse tête vers moi, vers la porte, puis se couche devant après avoir émis ces petites plaintes de chien. Je me penche, glisse ma main dans son pelage doux et soyeux – bien qu'un peu sale par endroit, car il porte très bien son nom – et reste là un moment à contempler la porte. Il attend que je daigne bien la lui ouvrir. Je soupire, me redresse, et observe le tout. La porte est ancienne, du type lourd et insonorisé. C'est peut-être une cellule spéciale, de l'autre côté. J'hésite, doutant de mon droit à me trouver là. Oh et puis flûte … je n'aurai qu'à dire que c'était ouvert et que je cherchais mon chien. Ce qui était un alibi très plausible puisque depuis mon arrivée, il s'était glissé dans les cuisines à plusieurs reprises, dans les chambres de presque tous les autres gardiens et même dans certaines cellules, profitant aux prisonniers qui semblaient heureux d'avoir cette boule de poils pleine de vie pour le caresser un peu. Zoothérapie, qu'on dit. Je n'ai aucun mal à croire en son efficacité.
-Si on a des ennuis, c'est ta faute, Duss.
Je pousse la porte. Le chien se précipite devant moi, debout dès que j'ai mis la main sur la poignée. Je pousse un soupire, ouvre la porte en grand et risque un œil à l'intérieur. Puis j'avance, pour que mes yeux finissent par s'habituer à l'obscurité. Ce que je vois alors me glace le sang. Je vois Dusty, au milieu de la place en train de laper quelque chose à terre. La puanteur est horrible, et je comprends pourquoi. Il y a du sang sur le sol, une petite marre – qui devait être plus grande avant que le chien n'entreprenne de la nettoyer – et tout autour, des instruments dont je ne peux que deviner la nature. Des instruments de torture. Ici. Dans la prison. Et ils ont servis récemment, à ce que je peux constater.
Avant de faire volte face et de sortir – entrainant mon chien de force à ma suite s'il le fallait – je me maudis d'avoir ouvert la porte. J'entends des pas dans mon dos. Nous ne sommes plus seuls ici.